Futura 2000 dans la collection agnès b.
L’exposition Futura 2000 dans la collection agnès b. se tient actuellement à La Fab., l’espace culturel fondé par agnès b. dans le 13ᵉ arrondissement de Paris. Cette rétrospective immersive retrace 40 années de création de l’artiste à travers 60 œuvres issues de la collection personnelle d’agnès b. : des toiles emblématiques, des sculptures, des archives rares… On ne pouvait qu’être curieux de découvrir ce que cette nouvelle collaboration entre ces deux univers visionnaires allait produire.
QUI EST FUTURA 2000 ?
Futura 2000, de son vrai nom Leonard Hilton McGurr, est une légende vivante dans le monde de l’art urbain. Pionnier du graffiti new-yorkais et précurseur emblématique du graffiti abstrait dès les années 70,
Futura a réussi à transcender les frontières du graffiti. Dès les années 80, il expose dans des galeries à New York (comme la Fun Gallery) et en Europe aux côtés de Jean-Michel Basquiat, Keith Haring ou Rammellzee. Il devient l’un des rares artistes issus du graffiti à être rapidement reconnu dans le monde de l’art contemporain.

« Le graffiti était une façon pour moi d’exister. Je voulais que le monde connaisse mon nom. Je voulais être quelqu’un » Futura 2000
Mais Futura ne suit pas les codes traditionnels du graffiti : là où d’autres se concentrent sur les lettres, lui explore un langage abstrait, fluide et futuriste inspiré par la science-fiction, la culture punk, le design industriel et les interfaces numériques. C’est un art résolument techno-poétique ! Ses compositions dynamiques, mêlant formes biomorphiques et lignes cinétiques, évoquent un univers cosmique en perpétuel mouvement.

1. Un langage visuel unique
Une abstraction cosmique
Dès l’entrée, ce qui frappe le visiteur d’emblée dans les toiles présentées à La Fab., c’est la puissance de l’abstraction. Chez Futura 2000, les formes semblent flotter dans l’espace, comme en apesanteur. Lignes filantes, halos de couleurs, éclats de matière : chaque œuvre évoque un univers en expansion, entre chaos contrôlé et mouvement perpétuel. L’artiste y projette sa vision, un monde cosmique, instable mais profondément humain. L’univers est chez lui une métaphore de la liberté et de l’infini. Cette esthétique abstraite donne à ses œuvres une dimension spirituelle. Futura invente un langage qui n’appartient qu’à lui. Un graffiti libéré de la lettre, où la vibration du geste prime sur toute narration.
Où le geste prend toute sa place
Cette esthétique de l’abstraction cosmique, ne saurait exister sans une relation particulière à l’acte même de peindre. Car au cœur de l’œuvre de Futura, il y a le geste, brut, libre, immédiat : une manière de capter l’instant et de le projeter dans l’espace. Loin des constructions rigides du graffiti traditionnel, où le lettrage domine, il privilégie la spontanéité, l’élan, le souffle. Chaque trait à la bombe devient un prolongement du corps, presque une calligraphie de l’instinct. On sent dans ses œuvres l’urgence du mouvement, mais aussi une maîtrise fine du rythme, du vide, de la matière. La spray, devient un pinceau du futur, capable de nuances inattendues.

« L’essence du graffiti, c’est créer une identité et l’amener dans l’espace public » Futura 2000
Dans un équilibre entre contrôle et lâcher-prise
Cette manière de peindre, née dans les tunnels du métro new-yorkais, s’est affinée sans jamais perdre son intensité. À La Fab., certaines toiles semblent presque improvisées, alors qu’elles sont en réalité le fruit d’un équilibre fragile entre contrôle et lâcher-prise. Ses œuvres mêlent ordre et désordre. Certaines parties sont soigneusement maîtrisées, d’autres laissent place au hasard de la matière et du geste. C’est dans cette tension que réside la poésie visuelle de Futura : un art qui ne cherche pas à tout dire, mais à suggérer, à faire vibrer.
L’alter ego futuriste
On retrouve également son célèbre personnage, Pointman, silhouette robotique et solitaire, sorte de messager silencieux perdu dans une époque technologique. Cette figure devient un écho à l’artiste lui-même : observateur engagé, en dehors du système mais toujours en dialogue avec lui. Un humanoïde robotique stylisé qui incarne une forme d’alter ego solitaire et futuriste. Il symbolise à la fois l’individu dans la foule et l’humain dans la technologie.
Les toiles de Futura dans cette exposition déploient un univers abstrait, cinétique et cosmique, où se croisent énergie urbaine, introspection, et visions du futur. Elles ne racontent pas une histoire linéaire, mais proposent une expérience sensorielle et mentale.

2. La musique en fond
La musique occupe une place fondamentale dans l’univers de Futura 2000 : non seulement comme source d’inspiration, mais aussi comme langage parallèle à son art visuel. Chez lui, l’image et le son sont indissociables d’une même énergie urbaine, pulsée, libre.
Une influence directe du punk et du hip-hop
Dans les années 70 et 80, Futura fréquente les scènes punk rock et hip-hop émergentes à New York. Il est proche du groupe The Clash, avec qui il part en tournée en 1981 : il peint en direct sur scène, en rythme avec les morceaux : une performance totalement inédite à l’époque, mêlant art visuel et musique live. Cette expérience a profondément marqué sa pratique : peindre devient un acte rythmique, presque chorégraphique, guidé par le son.


La culture du son comme terrain commun
Futura est aussi profondément lié à la culture de la mixtape, du DJing, du sampling, où l’on compose en juxtaposant, en hybridant. Cela se reflète dans ses collaborations : il a travaillé avec James Lavelle (UNKLE), participé à des pochettes d’albums, des projets de design sonore et visuel, et reste une influence pour des musiciens comme DJ Shadow, Flying Lotus, ou A Tribe Called Quest.


Une rythmique visuelle
Dans ses compositions picturales, la musique n’est pas seulement un thème ou une influence extérieure : elle est structurante, presque architecturale. Elle organise l’espace, guide le rythme, inspire le mouvement. Futura compose ses toiles comme un musicien construit une piste : par couches, séquences, ruptures… Les traits fins à la bombe, les éclats de couleur, les zones de vides jouent le rôle de temps forts et temps faibles. Certaines œuvres évoquent même des partitions abstraites : pas de notes, mais des impulsions, des fréquences visuelles.
Le regard circule comme l’oreille dans un morceau : il suit un tempo, un groove graphique.

peinture aérosol et acrylique sur toile

peinture aérosol et acrylique sur toile
Improvisation contrôlée
À l’image du jazz, Futura travaille souvent en improvisation maîtrisée. Il pose des bases, puis intervient avec des gestes spontanés, des accidents heureux, comme un solo improvisé. La peinture devient un acte performé, presque dansé.
« Les gens disent : “jouons selon les règles.” Moi, je dis : “non — brisons un peu les règles” » Futura 2000
Énergie urbaine et pulsation électronique
La vitesse, la répétition, le souffle du spray rappellent les boucles et les samples de la musique électronique. Son abstraction évoque des vibrations sonores, des ondes ou des résonances comme si la toile captait les fréquences invisibles de la ville. On peut y lire une traduction plastique du son de la rue.

Une spatialisation du son
Futura pense aussi l’espace pictural comme un espace sonore : certaines zones explosent, d’autres retiennent la tension ; certaines sont denses comme un refrain, d’autres légères comme un interlude. Il y a une dramaturgie musicale dans la manière dont ses éléments visuels s’équilibrent, s’écartent et s’opposent.
La musique chez Futura, elle ne s’entend pas, elle se lit. Elle est présente dans la structure même de ses œuvres : dans le geste, dans la composition, dans le rythme intérieur. En regardant une toile, on ne voit pas seulement un graffiti abstrait : on entre dans un paysage sonore qui respire.
3. Au-delà du graffiti
L’influence de Futura 2000 dépasse largement les frontières de la peinture et de la musique : il est devenu une figure transversale, un passeur culturel dont l’empreinte marque la mode, le design, le luxe, le sport et la culture visuelle contemporaine. Dès les années 1990, Futura avait déjà compris que le style pouvait circuler entre les murs, les écrans et les corps.

Mode : du streetwear au luxe
Futura est l’un des tout premiers artistes issus du graffiti à s’être imposé dans l’univers de la mode. Il a collaboré dès les années 90 avec agnès b., puis avec des géants du streetwear comme Supreme, Nike, Stüssy ou A Bathing Ape. Il a créé des collections capsules, des sneakers collectors, des logos et motifs devenus cultes. Plus récemment, ses collaborations avec COMME des GARÇONS ou Off-White montrent que son esthétique graphique minimaliste continue d’inspirer les designers les plus avant-gardistes.
L’exposition met d’ailleurs en lumière ces partenariats à travers une sélection d’objets rares (sneakers en édition limitée, covers de vinyles) et des documents d’archives.

Design d’objets
Son influence s’étend aussi au design d’objet et au monde des art toys : sa série de figurines Pointman (son personnage-icône) est devenue emblématique dans la culture urbaine et ses créations se collectionnent dans le monde entier. Par ce biais, Futura a su donner une forme tangible à son univers, en dehors de la toile : des objets à mi-chemin entre sculpture, art toy et manifeste.


sculpture en céramique
Automobile, tech et innovation
Plus étonnant encore : Futura a collaboré avec BMW pour peindre une voiture (la BMW M2), avec un traitement abstrait et nerveux très personnel. Il a aussi été sollicité dans des projets mêlant art et nouvelles technologies, explorant des supports comme la réalité augmentée ou les NFTs, toujours avec la même volonté de repousser les cadres et les formats.
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Influence culturelle et générationnelle
Futura est aujourd’hui une référence pour toute une génération de créateurs, de stylistes, de musiciens, de graphistes, de tatoueurs. Son nom circule comme un code discret, une marque de respect pour une trajectoire indépendante, radicale et toujours innovante. Il est souvent cité aux côtés de figures comme Jean-Michel Basquiat, Keith Haring, ou Rammellzee mais il a toujours suivi son propre chemin, plus discret, mais tout aussi influent.
Loin de se cantonner à l’art urbain, Futura 2000 a su infiltrer la culture visuelle contemporaine dans son ensemble, en mêlant rigueur esthétique, esprit d’expérimentation et refus des frontières. Il ne s’est jamais contenté d’un support : il a transformé sa vision du monde en un langage visuel global, fluide, modulable : toujours en avance d’un tempo.

peinture aérosol et acrylique sur toile

peinture aérosol et acrylique sur toile
Une amitié artistique de longue date
La Fab. n’est pas une galerie comme les autres. Fondée par agnès b., qui soutient depuis des décennies les artistes hors normes, souvent en marge des circuits traditionnels. Cette exposition est née d’une relation authentique entre agnès b. et Futura. On sent que ce n’est pas une expo “marketing”, mais un vrai hommage à un parcours artistique libre.
La relation entre Futura 2000 et agnès b. remonte aux années 80, lorsque la créatrice de mode a commencé à soutenir et exposer son travail dans ses galeries parisiennes. En invitant Futura 2000, agnès b. poursuit son engagement de plus de 40 ans envers la scène artistique alternative. On sent que ce projet est né d’un respect mutuel, d’une amitié entre deux figures qui partagent une vision du monde : ouverte, engagée, résolument tournée vers l’avenir. Cette amitié a donné lieu à plusieurs expositions, dont celle actuelle à La Fab. à Paris.

Cette exposition est une occasion unique de plonger dans l’univers visionnaire de Futura 2000, où le graffiti rencontre l’abstraction, la technologie et la culture contemporaine. Elle offre une perspective enrichissante sur l’évolution du graffiti et son intégration dans les sphères artistiques et culturelles mondiales.
Depuis le 25 avril, jusqu’au 19 octobre 2025 / La Fab. : Place Jean-Michel Basquiat 75013 Paris

peinture aérosol et acrylique sur toile